Le COSTA RICA, un paradis maritime, et la paix de ROME

Publié le par RanDom

En 1948, au début de la guerre froide, au Costa Rica, les autorités renoncent à l'entretien d'une armée préférant un autre moyen pour garantir la paix civile : l'éducation. Belle utopie humaniste qui porte ses fruits puisque dans ce pays très métissé (entre Caraïbes, Amérique latine, influences pacifique et indienne), 96% de la population sait lire. Les bananiers font la richesse du pays ; le Costa Rica profite de plus en plus du tourisme. Sa "guerre", c'est la défense de l'environnement : les jeunes générations luttent contre les complexes hôteliers qui défigurent leur éden maritime. Cet exemple est il applicable dans tous les pays ? Question de géographe, question d'idéaliste.

Il n'y a pas de photos et de belles images ici, mes amis consommateurs d'agences et de voyages. Il n'y a que des mots, les mots d'un apprenti-citoyen.

Dans notre pays, un général nous a enseigné son idéologie : la France ne serait pas la France sans la grandeur et l'indépendance de la France face aux Américains et aux Russes, c'est l'arme atomique, c'est l'armée
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Le Costa Rica parie sur la non-agression. La France envoie son armée en Afghanistan. Le Costa Rica anticipe une Terre mondialisée sans conflit où la priorité est l'environnement. La France veut participer à la construction de cette Terre mondialisée sans conflit. Elle envoie son armée en Afghanistan pour lutter contre les Talibans. Voilà ce qu'imagine un pacifiste depuis le centre de son pays.

Le cas unique du Costa Rica, un peu trop beau pour être tout à fait vrai, nous rappelle un autre contexte d'univers mondialisé sans conflit : "la paix romaine". Au IIe siècle après J.-C., Rome domine le bassin méditerranéen. Elle rassemble sur les rives de cette mer des peuples très différents les uns des autres qui profitent de la paix pour commercer et se développer. Rome entretient bien une armée (ses fameuses légions) pour maintenir l'ordre public et lutter contre les ennemis extérieurs de ce monde méditerranéen. Les différents peuples (parmi lesquels les Gaulois) fournissent des soldats aux garnisons romaines. Ce petit monde vit donc en paix. Mais doit se défendre. Leur ligne Maginot (le limes) est ainsi perméable, elle offre des avantages (contrôler et réguler la circulation des peuples "barbares" comme nos actuels checkpoint)... Mais les murs, s'ils arrêtaient les nuages, s'ils arrêtaient les idées, s'ils arrêtaient les hommes, cela se saurait : la "chute de Rome" arrive trois siècles plus tard (la date choisie est 476). Il faut savoir défendre la paix, il ne faut pas l'enfermer.

Quel rapport avec le Costa Rica ? Beaucoup d'observateurs ont comparé l'hyperpuissance américaine avec la Rome antique. Les nations, sous l'égide de l'ONU, profiteraient du parapluie nucléaire américain, de l'armée des empereurs Bush Père & Fils, pour commercer et se développer en paix. L'effondrement du Mur de Berlin, la dislocation du bloc soviétique nous avait confortés dans l'idée que le rêve méditerranéen était désormais le rêve du monde entier : "la paix romaine". Une puissance protectrice, des peuples "libérés". Mais il y eut le 11 septembre 2001, la guerre en Irak, et le retour de la Russie sur l'échiquier international : la Tchétchénie, la Géorgie... On pouvait dissimuler des conflits régionaux (l'Afrique et l'Asie sont encore très loin de nos clochers français), on ne peut plus cacher des guerres dans lesquelles interviennent directement les deux plus grandes puissances de notre monde, voire les trois si l'on y ajoute la Chine.

Et le Costa Rica dans tout ça ? Ce petit pays a encore ses frontières ; elles ne sont plus défendues, existent-elle encore ? Ce petit pays a fait le choix de ne plus s'enfermer dans des murs... Les migrants passent dans leur pays, transitent entre Amérique latine et les Etats-Unis. Bonne stratégie ? D'un côté, le Costa Rica dépend militairement d'une autre force et doit passer des alliances. Le sort du continent américain (sur le plan politique, militaire, économique) est de toutes façons très lié aux Etats-Unis. D'un autre côté, la menace est bien lointaine ; déléguer la protection militaire de son pays à une véritable puissance pour se développer économiquement et culturellement, jouir d'une "paix romaine" même provisoire, c'est un pari comme tant d'autres dans notre monde de spéculations (d'autres se ruinent bien après des paris boursiers)...
 
Les pays européens peuvent-ils faire ce pari ? Ils le font. Mais ils veulent fonder leur propre puissance et ne pas dépendre d'une autre puissance, extérieure au Vieux continent. En 1957, à peine neuf ans après la décision du Costa Rica de ne plus entretenir d'armée, quelques Etats d'Europe occidentale, se réunissent à Rome et signent un traité. La CED (l'Europe de la Défense) est un échec, mais une Union européenne est en marche. Depuis le traité de Rome, la Vieille Europe vit en paix (pour raccourcir : "Paix romaine" hier, traité de Rome aujourd'hui). La Paix, c'est déjà ça ! L'Europe, elle s'est enrichie. Elle voudrait désormais, au lieu de s'enfermer dans des murs comme le firent les Romains, s'élargir en Orient. Et là, naissent bien des interrogations. Pas seulement à propos de la Turquie...

La Géorgie, par exemple, n'est pas le Costa Rica. Ce petit pays ne veut pas dépendre du voisin russe. Elle utilisa son armée pendant la "trêve olympique". Pour attaquer, pour se défendre ? L'Europe hésite à trancher. Elle est pourtant au coeur de ce conflit : les Etats de l'ex-URSS se rapprochent de l'UE et de l'OTAN. Mais nous mesurons à présent notre faiblesse militaire, notre dépendance à l'égard des Américains, face à l'ogre Poutine. Nous préférons négocier, nous préférons signer, en oubliant que, au moins depuis 1938, les beaux stylos et les jolies signatures d'accords ne font pas les paix les plus durables. Alors ? Renforcer nos alliances comme avant 1914 ?

Je n'ai aucune réponse.

Je rêve d'un monde où tous les pays choisiraient d'abandonner les armes et de s'occuper d'éducation et d'environnement. Ce rêve est mon utopie, mon idéologie, puisque je ne vis plus au XIXe siècle, puisque je ne vis même plus au XXe siècle. Mais nos aînés, nos dirigeants, ont encore leurs pieds aux siècles derniers. Ils nous parlent de racines et de valeurs, ils devraient parler de terreau : un terreau, avec son pétrole par exemple, un terreau enrichit. Un terreau, pourtant, peut se transformer en bourbier.

Je n'ai aucune solution. J'observe. J'ai peur du moment où il faudra bien faire un choix.
Je ne veux pas faire l'autruche et vivre en consommateur comme si rien ne se passait autour de moi. Je m'accroche à une petite utopie. Ce n'est qu'une utopie. Quand on est esclave, une utopie permet d'espérer. Quand on est libre, le manque d'utopie nous rend esclave.

Aucune réponse, je les cherche parfois dans Le Journal des Années noires de Jean Guéhenno. Aucune solution, sinon passer de fabuleuses vacances au Costa Rica et rêver d'une autre Méditerranée où une vie paisible serait possible, pas seulement pour moi.

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