Vouloir lire Glyphe de Percival Everett
Il y a quelques années, lorsque j'ai demandé à Pignouf s'il n'avait pas honte de vendre ses histoires - ce qu'il fait encore aujourd'hui sur les rives d'Auzette - il me répondit qu'il apportait du rêve à ses clients, on pouvait donc bien le rémunérer...
"Dans quel monde crois-tu vivre, RanDom ?"
Bien sûr, il me suffisait de chasser Pignouf de mon blog et de ne plus lui offrir un espace de cerveau disponible. Au lieu de quoi je lui ai dit qu'il pouvait toujours faire rêver ses clients, que je n'en ferai jamais partie, que je n'étais plus un grand enfant à qui l'on peut encore vendre des histoires à dormir debout...
Pour bien marquer ma désapprobation, je lui ai mis sous les yeux un article de Télérama (n° 2906, 21 septembre 2005) reprenant les propos d'un auteur que je découvrais alors : Percival Everett. Je cite un extrait de l'auteur américain - extrait qu'on pourrait intituler : "PROMESSE DE PROFIT" et qui m'a beaucoup intéressé : « Le plus abominable, dans cette horrible tragédie de La Nouvelle-Orléans, est que les eaux, en se retirant, ne dévoilent pas que des cadavres, mais une société qui jamais ne s’est souciée des victimes de leur vivant, et qui, ayant consenti quelques jours de deuil à tant de disparus, se tournera, satisfaite, si ce n’est ravie, vers la promesse de profit qui succède à la reconstruction d’une ville. »
"Les Américains, poursuit Percival Everett, vont un certain temps crier au scandale, puis simplement oublier. En toute bonne conscience, l’Amérique va tourner la page, même si aujourd’hui, nous sommes révoltés, déterminés à pleurer les milliers de morts, demain, nous allumerons la télé pour regarder le base-ball et les sitcoms. L’un des grands maux dont souffrent les États-Unis est que le gouvernement est devenu, assez ouvertement, le sponsor des programmes d’informations télévisées. Toute opinion sincère se montrant critique envers l’administration Bush est aussitôt étouffée, et désavouée par force protestations déclinant toute responsabilité de la chaîne pour l’opinion exprimée par un franc-tireur. Le mythe de nos médias libéraux n’a servi qu’à miner tout discours jugé critique pour le gouvernement. Ajoutez-y l’empressement des médias à se targuer de leur présence sur le front, et il reste bien peu qui mérite un quelconque effort d’attention. Si l’on ne peut se fier aux informations diffusées, on ne peut davantage se fier à sa propre perception du monde. Le genre de manipulation pratiqué par les médias et le gouvernement ne tromperait guère qu’un enfant. C’est ce qu’est le public américain, apparemment. Cela explique la durée d’attention limitée dont notre nation est capable. L’une des stratégies possibles pour consoler un enfant consiste à lui offrir une nouvelle distraction, un nouveau jouet, un ballon rouge, une baisse d’impôts, une guerre. Le temps que se dissipe l’intérêt pour le nouveau jouet, la cause de la détresse initiale est oubliée. La diversion est l’arme majeure du gouvernement américain : le grand bébé roucoule, en attendant sa tétine."
J'ai publié début octobre 2008, un article sur Percival Everett. Je le reprends ici :
Percival Everett est né en Géorgie (Etats-Unis) en 1956. Il est diplômé de philosophie et a enseigné dans différentes universités de son pays. Par ailleurs musicien de jazz, il a appelé le personnage d'Effacement (son premier roman traduit en France), Thelonius Monk Allison...
EFFACEMENT : Extrait du roman de Percival Everett, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Anne-Laure Tissut, éd. Actes Sud, 2004, 366 pages.
Résumé : Universitaire brillant mais piètre romancier, on reproche à ce Monk de ne pas écrire "assez black". Sous un pseudonyme, il publie alors un roman bien misérabiliste. Et connaît alors le succès...
"De grands enfants amnésiques", c'est ainsi que Percival Everett décrit les Américains : rapidement diverti, le public oublie vite.
Depuis cet article, j'ai laissé de côté cet auteur ; si je le retrouve aujourd'hui, c'est pour son dernier livre, publié fin novembre 2008 chez Actes Sud, intitulé Glyphe.
Comme je pense que ce livre va bientôt faire partie de mes lectures vagabondes, j'en profite pour mettre quelques liens :
- La bibliographie de l'auteur (chez Actes Sud).
- La couverture et la 4e de couverture de Glyphe (sur le site de l'éditeur).
- La critique de Télérama (novembre 2008).
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Je vois bien que Pignouf est vexé :
"Si tu veux qu'un jour j'arrête de m'incruster sur ton blog, ne faut-il pas que je gagne ma vie ? Comment ferais-je alors si je ne vendais pas mes histoires, c'est la seule chose que je sais faire ; c'est la seule chose qui m'attire une clientèle...
- Pignouf, alors arrête de parler de clientèle, je ne reproche rien à tes histoires, tu peux continuer de les vendre si c'est ton gagne-pain et si des gens te les achètent, mais je t'en prie, si tu réponds aux besoins de ces personnes juste dans le but de faire du profit, alors oui, j'arrêterais de t'héberger."