Images et légendes : la place du non-vrai et du non-réel en Histoire

Publié le par Dam

        Entre les deux derniers livres d'Histoire que je me suis procurés (Jeanne d'Arc de Colette Beaune et Les Animaux célèbres de Michel Pastoureau), il y a un lien fondamental. Dès l'introduction de leurs ouvrages, les auteurs préviennent :

→ Colette Beaune, p. 9 : "Ce qui n'est ni forcément vrai ni réel a en histoire une énorme importance."

→ Michel Pastoureau, p. 12 : "L'imaginaire semble avoir dans ma sélection plus de place que la réalité. Mais l'historien ne doit jamais opposer trop fortement l'imaginaire et la réalité. Pour lui, comme du reste pour l'anthropologue ou le sociologue, l'imaginaire fait toujours partie de la réalité."

        Je n'illustrerai ces mots que par deux exemples, l'un relatif à Jeanne d'Arc et l'autre à la louve romaine.

→ Si tu me demandes : "Est-ce que Jeanne d'Arc a bien entendu des voix ? Est-ce que ces voix ont réellement existé ?" Je répondrais : "Cela n'a aucune importance, car ce qui compte, c'est que Jeanne et ses contemporains y ont cru : les voix sont un fait historique incontestable, qu'elles aient existé ou non, elles ont fonctionné comme du vrai."

→ Si tu me demandes : "Quelle était cette louve romaine qui allaita les jumeaux Romulus et Rémus, fondateurs légendaires de Rome ? A-t-elle existé vraiment ?" Je répondrais : "Peu importe qu'elle aient ou non existé : image sacrée placée aussi bien dans les temples et les tombeaux que sur les monuments et les monnaies, elle a constitué pendant un millénaire une figure protectrice rappelant le souvenir de la fondation de Rome."

Des expressions me viennent alors à l'esprit, de "trop beau pour être vrai" à "la réalité dépasse la fiction". L'historien qui ferait le tri entre les faits réels et les images de légendes, comme pour séparer du bon grain l'ivraie, ferait une redoutable erreur de méthode. Il est en effet nécessaire, pour récolter le vrai, de moissonner aussi le faux.

♥ Liens à mes articles sur Jeanne d'Arc (sans portrait 1sans portrait 2).

♥ Liens :
 - à mon article sur la louve romaine ;
 - à mon compte-rendu du livre de Michel Pastoureau, Les Animaux célèbres.

Publié dans Passé Présent

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C
et j'ajouterai que pour comprendre les gens du passé, du présent aussi, il faut prendre en compte les croyances basées sur des réalités, comme sur les légendes.je pense à une chose que Jean Yves m'a dit un jour, "l'important n'est pas que tu n'ai pas dit ça, l'important c'est que l'autre l'ait entendu comme cela" ... pb de communication, d'acceptation de l'autre ... en étant ouvert, en remettant les choses à plat, on arrive à dépasser certaines choses et a s'ouvrir à l'autre, à atténuer les incompréhensions, et même par comprendre.tout est important, vérité, réalité, croyance.bisous
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D
<br /> Merci, Cat, pour ton commentaire qui est dans le droit fil de mon article.<br /> Tu y ajoutes la note psychologique qui manquait et c'est important :<br /> L'historien, comme le psychologue, ne se contente pas de débusquer les mensonges et les mythes, mais se pose la question, plus importante : pourquoi ce mensonge, pourquoi cette légende, et<br /> dans quel but ? Car les croyances, les mythes et les légendes, révèlent bien des réalités que la vérité ne suffit pas à dévoiler...<br /> <br /> Je te souhaite une bonne soirée et vivement demain ;)<br /> Gros bisous !<br /> <br /> <br />